J'en suis bien conscient: je suis privilégié d'avoir gardé la santé pour pouvoir la courir de nouveau, cette course, et même de pouvoir viser une amélioration de temps. La météo estivale fut favorable cette année (il a fait moins chaud et moins humide qu'en 2013), j'avais un bon volume d'entrainement dans les jambes (3800km en 2013 et plus de 2200km dans les 6 premiers mois de 2014), avec un bon affûtage dans les deux semaines précédent ce grand défi.
Au delà du volume, j'ai du 'vécu' de la dernière année pour me sentir en confiance, et mieux connaître mes limites:
- les 100 milles de Virgil Crest complétés en 26h46 en septembre 2013, l'épreuve la plus difficile à mon actif à ce jour: quatrième sur 19 finissants, et sur 66 partants!
- deux ultras sur route 'pour le plaisir' : en novembre le Trans Montréal (60km) et en décembre le Frozen Ass du Mont Royal (60km aussi);
- entrainement marathon 'sérieux' de début janvier à début mai avec mon entraineur Dorys et le groupe d'entrainement, focalisé sur l'amélioration de mes performances et de ma VMA, en combinant volume, structure et intervalles;
- marathon de Toronto le 4 mai réussi en 2:58:55, un premier 'sub-3' et probablement ma meilleure réalisation athlétique en carrière;
- trois semaines plus tard (24 mai), la course XTrail de Sutton de 20km (1500m D+) solidement en 2h30, encore signe de ma meilleure forme comparativement aux deux années précédentes;
- 1er juin: 50 milles de Cayuga en 9h46, autre défi costaud dans l'état de NY;
- 14 juin: 44km trail -- la nouvelle course Estrie25, avec des sentiers complexes et très boueux;
- 27 juin: Ultimate XC à St-Donat de nuit, 45km sentiers + 10km route et... mon premier DNF (abandon) alors que l'objectif était un aller-retour totalisant 120km de sentiers difficiles. Un abandon oui, mais avec évitement calculé de bobos aux pieds, et une expérience formatrice pour mieux comprendre le fonctionnement de mon cerveau en course, et anticiper certains facteurs qui peuvent me démotiver.
Retour au Vermont donc, je m'y suis rendu cette année sans équipe de soutien ni accompagnateur de course (ou pacer dans notre jargon). D'une part, mon épouse et mes parents m'ont déjà beaucoup aidé dans les deux années passées, je les en remercie encore; d'autre part je me sentais maintenant d'attaque pour affronter ce monstre en mode solo, pour ajouter au défi. L'organisation du VT100 a d'ailleurs innové et créé une reconnaissance spéciale 'solo' cette année pour les coureurs qui s'inscrivaient sans équipe ni pacer, ce qui est une excellente idée à mon avis.
Cette année je suis arrivé avec trois objectifs:
1- Finir la course, et avec le sourire;
2- Éviter les grosses blessures;
3- Passer sous la barre des vingt heures (environ 1h30 d'amélioration sur mes temps de 2012 et 2013). Comme la course commence à 4h du matin, cela veut dire finir avant minuit... donc techniquement, à l'intérieur de la même journée!
J'ai fait le trajet le vendredi avec mes amis Pat H. et Philippe L. , un vrai plaisir. Arrivés tôt dans l'après-midi à Silver Hill Meadow, un grand pré qui tient lieu de QG, nous avons procédé à l'enregistrement et au contrôle médical, avec pesée de référence. Ensuite j'ai monté ma tente au camping du site (un peu plus loin dans le même pré), puis le briefing au coureurs, le souper de pré-course sous la grande tente avec plusieurs amis coureurs donc Joan, Pat G. et Nicolas, tout s'est bien passé et fut fort agréable.
Dans l'attente de garnir mon assiette au généreux buffet, je parle entre autres avec Dan D., qui vient comme chaque année généreusement s'impliquer comme bénévole dans la course du VT100, en particulier pour le montage, le démontage et la gestion du grand ravitaillement-carrefour de Camp 10 Bear -- un ultra bénévole, quoi. Dan est un passionné (excessif?) des ultras et des défis de fou, il en a couru plusieurs et est maintenant connu chez nous comme directeur de course d'un de nos grands rendez-vous québécois, l'Ultimate XC. Un personnage plus grand que nature, quoi. Alors il a toujours tout plein d'histoires à raconter! Nous parlons entre autres de balisage de sentiers, et il nous raconte à ce moment comment il a fini par comprendre la psychologie du coureur d'ultras en action, qui avec la fatigue finit souvent par courir avec des ornières; c'est le phénomène de la vision tunnel, ce qui peut amener ledit coureur à dévier du trajet balisé, malgré toutes les indications qu'on peut placer sur son chemin. Je m'identifie très bien à ce phénomène: il m'est arrivé tout récemment aux courses Cayuga 50 et Estrie 25 de me perdre en ne regardant pas où il fallait, après avoir rétréci mon champ de vision et diminué mon attention aux détails et à certaines balises pourtant bien placées. Et à bien y réfléchir... cela m'est arrivé dans plein d'autres courses.
La petite veillée de camping avec Nicolas et sa troupe, Joan et sa famille, Pat G. et Michel C. fut fort agréable, décontractée, d'ailleurs je ne me suis pas privé de savourer une bière blanche. Vers 9h30 bonne nuit tout le monde, j'ai été préparer mes petites affaires de course sous la tente. Comme d'habitude, cette nuit d'avant course est trop courte et beaucoup trop légère -- avec mon niveau d'adrénaline déjà relevé, je n'arrive jamais à tomber dans les bras de Morphée, mais j'essaie au moins de me reposer et de relaxer; il n'y a vraiment aucun truc pour m'inquiéter avec l'expérience et la préparation dont je bénéficie.
Lever à 2h45; je mange quelques fruits et m'habille, et vers 3h20, hop vers la grande tente, près du départ, pour retrouver la douzaine de compagnons d'armes du Québec -- une délégation de calibre relevé cette année, avec notamment Sébastien et Joan. Café, bagel, on fraternise. Lampe à la taille, guêtres, chaussures Saucony Peregrine 4 avec une pointure de plus cette année pour éviter les ampoules aux orteils, montre ordinaire sans GPS, et pas de sac à dos pour moi cette année, j'ai choisi l'approche 'train léger'. Ai-je tout? Oups, ma bouteille d'eau! Ok j'ai juste le temps, il me reste 15 minutes avant le départ pour regagner ma tente au petit trot, la retrouver et même en profiter pour me soulager à une cabine -- maintenant libre vu que tous les coureurs sont descendus. Voilà qui est fort opportun! Je reviens à temps pour m'insérer à la meute du départ, et là je suis fin prêt.
En ce magnifique samedi qui commence, le départ des 100 milles est donc donné par la directrice de course Julia à 4 heures pile. Toujours un moment pétillant, ces 300 frontales qui s'élancent dans la nuit. Dès le premier mille, je ne peux m'empêcher de faire comme l'an passé et de prendre les devants avec une cadence un peu trop rapide, pour m'éviter les petits bouchons des premiers milles. Ce faisant, je pars de facto tout à fait 'solo', vu que les rapides Sébastien et Joan sont déjà bien devant dans le groupe de tête, alors que mes autres amis québécois sont derrière moi. La température est parfaite, je me sens super bien. Dans la première heure je fais brièvement connaissance avec Tim du New Hampshire et Bob de Rhode Island, nous formons une sorte de mini-groupe de poursuivants au peloton de tête. Une fois que la lumière du jour arrive je cours seul de nouveau, prêt à courir ainsi pour la majorité de la distance, et prêt à affronter mon pire ennemi: moi-même, et mes pensées négatives. La route est roulante, belle et j'avance rapidement, atteignant même la treizième place au ravitaillement de Taftsville Bridge à 15,4 milles, juste passé le superbe pont couvert qui vient d'être restauré, en 2 heures 15 minutes.
Les premières montées sérieuses commencent et il faut que j'ajuste l'effort pour garder un bon contrôle sur mon cardio; je me fais alors dépasser par quelques forts coureurs, tout à fait logique. Je rejoint le premier grand ravitaillement à 21 milles, Pretty House où j'ai laissé un sac pour pouvoir y déposer ma frontale. J'avale quelques fruits et repars de sitôt. Cette année, je me suis aussi promis de diminuer mon temps moyen par ravito, ce qui devrait me redonner entre 30 et 60 minutes sur les 29 ravitos de la course.
Les jambes sont bonnes, tout va bien sauf... le haut de mon pied gauche, qui à partir des milles 25-28 m'envoie des signaux de douleur, suggérant un lacet trop serré. Je choisis d'attendre, en espérant que ça va se tasser. Autour du mille 28, après le premier beau sommet avec point de vue et les premières descentes que je sens dans les jambes, je manque un virage à droite pourtant bien indiqué (maudite vision de tunnel!) et continue 500m sur le chemin devant qui me semblait naturel, avant de constater mon erreur et rebrousser chemin. Voilà donc 1km en bonus... youpi. Mais ce n'est pas si grave, allez Pierre et je retrouve mon chemin au moment où la super coureuse (et prochaine directrice de la course) Amy Rusiecki passe avec un autre coureur. J'arrive donc juste derrière eux au grand ravito de Stage Road (30 milles), et bien que je ne tarde pas en avalant melons et verres de soda, il disparaissent devant, ils sont plus forts et je ne les reverrai plus jusqu'à l'arrivée.
Le segment suivant de 17 milles contient de très longues côtes montantes et est éprouvant, je m'en souviens suffisamment bien de l'an passé. Je l'attaque avec détermination, tout en sachant que je me ferai rattraper et dépasser par plusieurs coureurs, particulièrement dans les montées, ce qui ne m'énerve pas -- je mène ma course.
Des côtes à profusion... totalisant plus de 14000 pieds, ou 4200 mètres.
Comme la douleur à mon pied gauche ne veut pas se calmer, je m'arrête quelques instants pour desserrer les lacets de soulier. Pas de chance, ça ne semble rien changer. Allez Pierre, on continue en surveillant l'évolution de cette douleur, de plus en plus préoccupante.
J'arrive enfin au grouillant ravitaillement de Camp 10 Bear, où je retrouve plusieurs amis québécois pour m'accueillir et m'encourager. C'est aussi la première pesée de contrôle: j'ai perdu 4 livres, soit 2,5% de mon poids. C'est beaucoup mieux qu'au même point l'an passé, où j'avais perdu 8 livres et me sentait très faible.
Cette année, j'ai appris de cet épisode de déshydratation sévère, je prends maintenant 2 capsules de sel par heure et bois beaucoup et cela fait une bonne différence... mais j'ai déjà une certaine fatigue cumulée que le médecin d'expérience Hank détecte, alors par prudence il me demande de bien manger et m'hydrater avant de me donne son feu vert, 7-8 minutes plus tard. Évidemment plusieurs coureurs me passent, mais encore là, c'est chacun sa course. Je peux donc repartir avant midi et quart -- excellent selon mon plan de progression pour finir sous les 20 heures. Allez Pierre, courage.
Dans le segment suivant jusqu'au ravito Pinky's (51), je fais connaissance avec un coureur d'origine japonaise, Yuichiro. Nous n'avons pas beaucoup d'affinités, mais sa compagnie aide à passer ce segment difficile de milieu de course. Après Pinky's, je cours seul pendant plusieurs milles jusqu'au ravito Seven Seas (59), et je fais ensuite une autre connaissance en avançant à la marche dans les grosses côtes: Megan, une jeune coureuse qui sait très bien exploiter la marche rapide à son avantage (elle finira d'ailleurs largement devant moi). Je rattrappe ensuite Steeve P. , un sympathique québécois qui fait le 100km avec un excellent moral, même si ses jambes le limitent à marcher. Nous arrivons à Margaritaville, je réussis à manger un demi-burger et à boire un petit verre de margarita, comme je me l'étais promis depuis le début :) C'est une exception pour moi qui m'en tient sinon aux fruits et sodas à tous les ravitos.
Je repars de nouveau seul, en ayant bien en tête les deux prochains segments qui me ramèneront à Camp 10 Bear. Le dessus de mon pied gauche reste très douloureux et je desserre de nouveau le lacet, sans amélioration... mais je me suis fait une raison, tant que je peux gérer la douleur, je continue et je cours aussi souvent que possible. Je suis particulièrement content de mon rythme dans la longue descente des milles 66 à 69.
Arrivée à Camp 10 Bear (70 milles) et nouvelle pesée: aille, j'ai perdu une autre tranche de 4 livres en 22 milles, pour un total de 8 livres perdues depuis mon poids de référence, soit 5%. Pourtant je bois bien et mange à chaque ravito, et je prend mes capsules d'électrolytes... ce qui veut dire que je perds vraiment beaucoup en sueur. Le médecin de garde c'est le 'nouveau', il est moins rigide que Hank (celui qui m'avait gardé sous surveillance la fois précédente) et il prête attention aux autres signes, dont la vigueur dans mes yeux. Comme il remarque mon niveau d'énergie et mon envie de continuer, il me demande simplement de bien manger et boire, prend mon pouls et me laisse partir avec un sourire encourageant. Trop content d'avoir mon laisser-passer, je suis ses instructions, en profite pour parler un peu aux amis québécois et puis repars comme une balle. Mais 600 mètres plus loin, je remarque que j'ai gardé le même t-shirt trempé qui frotte et commence à me causer des irritations derrière les épaules. Zut me dis-je, j'avais un t-shirt sec et propre qui m'attendait au ravito et j'ai oublié de le prendre... et tout de suite après, je me dis re-zut, j'ai aussi oublié de prendre ma lampe frontale, c'est encore bien plus important!!! Je rebrousse chemin, et voilà encore un mille excédentaire... dur sur le moral, mais je me raisonne, le pire est évité. Je croise Yuichiro et il me demande pourquoi je vais en sens inverse. Ma réponse lui fait réaliser qu'il a lui aussi oublié sa frontale!! Il m'en remercie et nous revenons au ravito tous les deux pour récupérer nos précieuses frontales. Cette mésaventure s'est donc traduite en au moins 10-15 minutes de perte de temps, voilà ce que coûte la 'vision tunnel' à un pauvre coureur solo qui n'a pas d'équipe de soutien -- contrairement aux années précédentes!
Je repars pour de bon vers l'avant (mais avec quelques places perdues) avec mon t-shirt frais, ma lampe frontale et une petite lampe à main de réserve. Je sais mesurer ce qu'il me reste à traverser -- à commencer par une grosse montée en sentier de plus d'un mille-- ces 30 milles et les difficultés qu'ils contiennent, et je me sens prêt. J'aime aussi ce défi de me battre avec moi-même, et de devoir constamment me parler, me contrôler. Désormais, mon vecteur principal de motivation est de continuer à viser une arrivée avant minuit. Et comme j'aime bien les calculs mentaux, je ne cesse de faire des divisions et multiplications pour estimer la moyenne de minutes au mille et de minutes au km qu'il me faut respecter pour y arriver. Et là... un doute s'installe. Parce qu'entre un scénario optimiste à 13 minutes/mille et un scénario pessimiste à 15 minutes/mille, ça passe ou ça casse! Voilà donc l'outil qui permettra au Pierre compétitif (et optimiste) de prendre le dessus sur le Pierre fatigué ( et pessimiste) qui veut se la couler douce et simplement marcher.
Certains des segments qui suivent sont loooongs entre les ravitos, mais je m'encourage en pensant qu'il fait encore clair et que cela m'aide à avancer plus vite. J'essaie aussi de comparer quelle heure il était quand je passais certaines balises, l'an passé alors que je courais avec le grand Benoit B, et où nous étions rendus lorsque le soleil se couchait. Et je m'encourage encore plus en me disant que j'ai entre 1h30 et 2 heures d'avance sur ma course de l'an passé que j'avais terminée à 1h32 du matin!
Pendant les milles 82-88, je trouve un nouvel élément de motivation, en faisant connaissance avec un coureur californien: Andy. Il est trappu, parle peu mais est sympathique, déterminé et inspirant. Il m'apprend qu'il a beaucoup de courses ultras et de 100 milles à son actif, et que cette année il relève un défi appelé: The Last Great Race... c'est à dire qu'il enfile une série de 6 courses de 100 milles en été, soit les quatre du Grand Slam, plus deux autres courses historiques, intercalées parmi les 4 premières!!! Résumé ici . Quelle ambition gargantuesque, quelle force! Je le questionne sur sa passion de la course ultra, sur ses trucs de motivation, etc. et j'aime bien ses réponses, courtes et solides. Voilà le type de coureur qu'il me fallait rencontrer à ce moment précis.
Voilà aussi qui m'aide à arriver dans de bonnes dispositions au dernier grand ravitaillement, Bills situé à 88 milles, alors que la nuit est tombée et que nous avançons avec nos frontales depuis un ou deux milles. J'entre dans la grange de Bill's vers 21h08, et effectue ma dernière pesée: 1 livre de reprise sur les 18 derniers milles, yesss. Je suis reçu chaleureusement par des amis québécois bénévoles dont Marie-Pierre et Fred, leur bonne humeur est contagieuse. Un petit bouillon, les délicieuses petites pommes de terre rissolées (je complimente à ce sujet le cook, et il est ravi), et hop je repars vite, il est 21h15.
Il me reste donc un budget de 2:45 pour boucler 12 milles, il me faut donc maintenir ma moyenne de 13 minutes par milles ou mieux pour arriver avant minuit! Et il reste encore des sentiers un peu plus techniques, de bonnes côtes, et il fait très noir... j'ai toujours un doute sur mes chances, mais je m'accroche. Mon pied gauche me fait encore mal, mais la douleur se mêle à toutes les autres dans les jambes, alors tout est relatif! Andy est reparti avant moi et j'ai tôt fait de le rattraper, comme sa vision nocturne est moins bonne que la mienne. Nous ne nous parlons plus mais nous aidons quand même encore.
Je suis dans ma bulle du dernier droit, et comme dans mes trois autres courses de 100 milles complétées, c'est un moment magique. On dirait qu'à cette étape, même si mon corps souffre intensément comme ceux de tous les autres coureurs, mon cerveau a convaincu mon corps de lui ouvrir ses dernières réserves, comme le défi devant est bien connu et circonscrit. Et j'en profite! Je reprend une cadence encourageante, passe rapidement les ravitaillements de Keatings (92), Polly's (95) et finalement Sargeant's (97,8) vers 23h05. Il ne me reste que 2,2 milles et l'affaire sera dans le sac!!
Je me souviens combien ces deux milles sont longs, alors je me dis qu'ils pourront bien me prendre 20 minutes chacun, mais il ne m'empêcheront pas d'atteindre mon but! J'attaque le sentier tortueux et fais bien attention de ne pas tomber ni me perdre (dans mon tunnel!), jusqu'au panneau annonçant le dernier demi-mille: ma montre me confirme que j'ai une marge confortable avant minuit, et je goûte au buzz. La nuit est fraîche, mais pas calme vu que des gens du voisinage semblent héberger un concert de rappeurs (!) -- hétéroclite, me dis-je. J'ai dépassé quelques coureurs fatigués dans les derniers milles, et j'en passe encore deux qui marchent, accompagnés de leurs pacers. Je les encourage à courir pour finir avec moi, mais ils ne semblent pas intéressés. Ok les gars mais moi, je veux courir jusqu'à l'arrivée!! Je franchis donc le portail à 23h36:32, ce qui me donne un temps net de 19:36:32, ouiiiiii! Je laisse éclater ma joie.
Malheureusement, il n'y a aucun québécois à cette heure-là pour m'accueillir, ce sont les proches d'autres coureurs attendus... alors je dois vivre mon expérience solo jusqu'au bout, et une fois la médaille au cou, me féliciter moi-même ;) Je rentre sous le chapiteau pour manger, boire une délicieuse IPA offerte par un gentil coureur américain, me réchauffer avec des couvertures prêtées à l'infirmerie; et puis arrive une coureuse québécoise ayant complété le 100km qui arrive peu après, Noémi. Nous nous racontons nos aventures, encore toutes fraîches et puis je la salue et regagne ma tente pour un bon dodo, en me disant que je retrouverai tous les coureurs québécois au BBQ dans quelques heures.
Réveil vers 7 heures, ce sommeil fut court mais réparateur. Je me dis qu'il y a encore plusieurs braves coureurs qui se battent pour terminer leur 100 milles avant la limite de 10 heures (donc sous les 30 heures) ! Je vais consulter les résultats, la majorité de mes amis québécois ont réussi leur défi et rempli leurs objectifs, yesss. Et Joan a largement dépassé toutes les attentes, avec une troisième place et un temps de 16:10, incroyable !!!
Je profite de la disponibilité du médecin en chef pour le consulter au sujet de mon pied gauche douloureux, qui présente une grande surface rouge et sensible sur le haut. Il constate qu'il s'agit d'une veine éclatée, et qu'il est trop tard pour l'apaiser avec de la glace. Curieux, c'est la première fois que ceci m'arrive. C'est encore douloureux oui, mais je peux marcher sans problème (et j'ai couru 75 milles dessus), je n'ai rien de cassé, et donc pas de blessure sérieuse, tralala!!!
L'excellent BBQ d'après-course et la cérémonie de clôture, le dimanche de 10h30 à 13h sont toujours des moments rassembleurs, et nous avons bien des félicitations à nous échanger, avant de nous saluer et de rentrer au bercail. Bravo à tous mes amis coureurs: Sébastien R., Joan R., Louis A., Pat G., Pat H., Philippe L., Denis L., Gary, Vincent F., Nicolas SV., Daniel G, vous m'inspirez beaucoup, chacun à votre façon. Mercis spéciaux à tous les québécois qui sont venus en soutien aux coureurs cette année, dont Michel C., Dan D., Geneviève et Charles (pacers de Pat G. et super motivateurs), Kate, Hélène, Charlène, Marie-Pierre et tant d'autres... vous décuplez la richesse d'un tel événement.
Regard personnel sur ma course: d'abord j'en suis très fier, j'ai atteint tous mes objectifs. Je suis sorti de mon tunnel. Le Pierre optimiste a repris le dessus sur le Pierre pessimiste (depuis mon abandon au défi titanesque de Saint-Donat). Comme le dit la médaille du VT100: Believe in Yourself. Ensuite j'ai encore appris, et j'ai bien sûr eu beaucoup de plaisir. Je me sens bien, en santé et à ma place, je côtoie des gens formidables. Je peux maintenant prendre une pause méritée, ma prochaine course n'est qu'en septembre (80km du UTHC à Charlevoix), suivi du 100 milles de Bromont en octobre, une nouvelle course ultra prometteuse tout près de chez nous!
Julia (directrice de course) me remet une 'belt buckle' (arrivée en moins de 24 heures)
Vermont 100 Time Splits